L'idéologie dominante selon laquelle la famille constituait une sphère séparée de la vie publique, c'est-à-dire séparée également des relations de marché, s'est répercutée sur le travail rémunérée de care. Les travailleuses/eurs domestiques furent, en effet, exclu-e-s des "triomphes" de la législation du New Deal qui établissaient des "relations de travail modernisées" aux États-Unis : la sécurité sociale (qui aidait les invalides et les retraités), le National Labor Relations Act (qui reconnaissait aux travailleurs le droit de se syndiquer) et le Fair Labor Standards Act (qui établissait un nombre d'heures de travail maximum et un salaire minimum).
Or, derrière le fait que les employé-e-s du care furent écarté-e-s de la législation modernisée sur le travail aux États-Unis, se cache un raisonnement que, dans une certaine mesure, on peut voir à l'œuvre dans les débats législatifs et les décisions de justice quant aux droits des travailleuses/eurs domestiques. Le Congrès et les tribunaux semblaient soucieux de "protéger le foyer" comme espace de relations intimes personnelles plutôt que comme espace de travail. En 1939, la cour suprême du Minnesota condamna un travailleur domestique pour avoir organisé une manifestation devant la maison de son employeur, au nom du fait que ce travailleur n'était pas protégé par la loi accordant à tous les droit de se syndiquer, parce que le foyer "est un espace sacré où les gens peuvent aller, venir et être au calme, loin des tumultes de l'industrie [1]".
Dans un amendement au Fair Labor Standards Act en 1974, certains types de services domestiques, comme le travail des femmes de ménage, ont finalement été inclus dans ses dispositions. Certains membres du Congrès exprimèrent cependant leur insatisfaction à l'idée de considérer le foyer privé comme un lieu de travail et le-la pourvoyeur-euse de care comme un-e travailleur-euse plutôt que comme un membre de la famille. On aboutit finalement à un compromis qui excluait les baby-sitters et les personnes relevant des "services de proximité", définis comme "ces services qui constituent un accompagnement, un soin et une protection pour des personnes qui, en raison d'un âge avancé ou d'une infirmité mentale ou physique, ne peuvent assurer elles-mêmes leur bien-être. Ces services peuvent inclure le travail ménager lié aux soins à fournir à la personne âgée ou infirme, c'est-à-dire préparer les repas, faire le lit, faire la lessive et d'autres services similaires. Mais ils peuvent aussi inclure l'exécution de tâches plus générales liées au travail domestique, à condition que celles-ci ne constituent pas plus de 20% du temps de travail hebdomadaire [2]".

Evelyn Nakano Glenn, Le travail forcé : citoyenneté, obligation statutaire et assignation des femmes au care in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), trad. Séverine Sofio, Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 125-126.

[1] Katheen Silbaugh, p. 780.
[2] Amendement au Fair Labor Standards 29 CFR 552.6.