Peu de femmes ont eut accès jusqu'à il y a peu dans nos civilisations à ces échappatoires masculines (courtes, jusqu'au retour chez soi) hors de la mortalité : en abandonnant la femme entière au privé, on laisse à la maison la maladie et la mort. Le discours actuel sur le care social est aussi issu d'une volonté féminine de ne plus porter seule l'être mortel, et de participer à ce grand et reposant déni le temps d'une petite journée de travail. Un paradoxe (apparent) est que la participation des femmes à ce déni entraîne la sortie des activités de care en dehors du privé : le care se voit (plus qu'avant), les bébés entrent dans les crèches d'entreprise (peu, certes). Le care est dès lors non pas tu, mais valorisé, dans le sillage de la volonté même de se défaire d'un poids.
La demande d'un care public et politique est enracinée en partie dans une volonté des femmes de se libérer de la charge qu'il représente. Or cela est peu présent dans la parole de Tronto : elle veut faire de la vulnérabilité subjective ou passive un concept politique, qui ait force unificatrice. Non pas tous autonomes, mais tous dépendants les uns des autres !
Layla Raïd, Care et politique chez Joan Tronto in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 85-86.