Cette respécification de la vulnérabilité engage également à prendre en considération le temps de la vie dans sa totalité, et pas seulement une portion qui serait prélevée en mettant hors champ, entre autres, les phases de début et de fin, et partant, tout le travail que nécessitent le démarrage de la vie, le développement des personnes, l'affaiblissement de leurs capacités. Les transformations des façons de penser le temps, corollaire des transformations du capitalisme et de la division du travail, la volatilité et la flexibilité, la compression de l'espace et du temps [1], accentuent le contraste avec les temporalités du care, ni flexibles ni volatiles : quotidienneté, répétition, constance, continuité assurent la bonne marche des affaires pour les autres, proches et distants, quand bien même les activités de care sont partiellement marchandisables. Les temps du care ne peuvent être contrôlés et compressés de la même façon que d'autres temps de travail. Le développement des capacités des personnes, les soins du corps, l'entretien de la conversation, le souci des autres mettent en jeu une autre sorte de temporalité.

Patricia Paperman, D'une voix discordante : désentimentaliser le care, démoraliser l'éthique in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 93-94.

[1] Joan Tronto, "Time's place", Feminist Theory, vol. 4, n°2, 2003, p. 119-138.