La chronométrie est angoissante lorsqu'elle nous assigne aux tâches sociales ; mais elle est sécurisante lorsqu'elle substantifie le temps, et le découpe comme un objet consommable. Tout le monde a éprouvé combien le tic-tac d'une pendule ou d'une horloge consacre l'intimité d'un lieu : c'est qu'il le rend semblable à l'intérieur de notre propre corps. L'horloge est un cœur mécanique qui nous rassure sur notre propre cœur. C'est ce processus d'infusion, d'assimilation de la substance temporelle, c'est cette présence de la durée qui est récusée, au même titre que tous les autres foyers d'involution, par un ordre moderne qui est d'extériorité, d'espace et de relation objective.

Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1968, p. 34.