Elle avait évoqué avec Michel Guerrin un "double abandon de l'homme et de l'objet[1]" à propos du paysage désertique du Koweït jonché d'objets rappelant les sculptures de Rachel Whiteread, fossilisés, déanaturés, bottes recouvertes de sable, formes sans nom de matelas, couvertures. Elle s'identifiait avec eux, les imaginant comme des équivalents d'objets significatifs de son enfance : il y avait "des journaux personnels, des couvertures écossaises qui ressemblaient à celles de mon enfance[2]". Dans la série des Vulaines, le passé photographique de l'artiste se juxtapose, en noir et banc, au regard affectueux du présent porté sur les meubles et les tissus de la maison de vacances familiale, sur les objets rattachés à l'enfance. Le sentiment de l'absence y est très fort, au point que le dessin des tissus, des papiers peints et des dessus de lit a conservé la trace du corps absent ;
David Mellor, "Déchirures dans le tissu du réel : contextes de l'oeuvre de Sophie Ristelhueber", in Sophie Ristelhueber, Opérations, textes de Bruno Latour, David Mellor, Thomas Schlesser, Dijon, Les presses du réel, 2009, p. 214.
[1] Michel Guerrin, "Les obsessions de Sophie Ristelhueber", Le Monde, 27 septembre 1992.
[2] Ibid.