L'échelle dont il s'agit n'est d'abord que cette ombre survivante d'une échelle brûlée, disparue, vue par quelques survivants et photographiée parmi les décombres d'Hiroshima en octobre 1945[1]. Parmiggiani en convient le premier : Delocazione est une œuvre où se figurerait le "climat d'une ville morte" et incendiée, quand il ne reste plus — comme à Hiroshima — que les "ombres des choses" :
"Delocazione : poussière et fumée. J'avais exposé des espaces nus, dépouillés, où la seule présence était l'absence, l'empreinte sur les murs de tout ce qui était passé là, les ombres des choses que ces lieux avaient abritées (le ombre delle cose che questi luoghi avevano custodito). Les matériaux pour réaliser ces espaces (ambienti), poussière, suie et fumée, contribuaient à créer le climat d'un lieu abandonné par les hommes, exactement comme après un incendie, un climat de ville morte (un clima di città morta). Il ne restait que les ombres des choses, presque les ectoplasmes de formes disparues, évanouies, comme les ombres des corps humains vaporisés sur les murs (dissolti sui muri) d'Hiroshima[2]."
Georges Didi-Huberman, Génie du non-lieu, Air, poussière, empreinte, hantise, Paris, Les éditions de minuit, 2001, p. 22-23.
[1] Cf. G. Didi-Huberman, L'Empreinte du ciel, Lédignan, Antigone, 1994, p. 12-15.
[2] C. Parmiggiani, Stella Sangue Spirito, éd. S. Crispo, trad. française en regard M.-L. Lentengre, E. Bozzini et A. Serra, Parme, Nuova Pratiche, 1995, p. 194-195. Cf. id., "Dialogo - Entretien", art. cit., p. 158-159. Significativement, l'artiste aura choisi, comme frontispice à son "Livre d'heures", une reproduction de Stalingrad dévastée par les bombardements allemands. Cf. C. Bernard (dir.), Claudio Parmiggiani : Livre d'heures. Dessins de projets, Genève-Milan, MAMCO-Mazzotta, 1996, p. 14.