L'objectivité n'est pas une affaire de désengagement, mais une affaire de structuration mutuelle et généralement inégale, une affaire de prise de risques dans un monde où "nous" sommes définitivement mortels, ce qui veut dire, non promis au contrôle "définitif". Nous n'avons finalement pas d'idées claires et distinctes. Les divers corps biologiques en lutte surgissent à l'intersection de la recherche biologique et de l'écriture, des pratiques médicales et autres pratiques commerciales, et de la technologie, telles que les technologies de visualisations recrutées comme métaphores dans ce chapitre. Mais, invitées surprises de ce nœud, on trouve l'analogue des langues vivantes qui s'entrelacent dans la production de valeur littéraire : les encorporations coyotes et protéiformes d'un monde agent et acteur plein d'esprit. Le monde résiste peut-être à se voir réduit à une simple ressource parce qu'il n'est — non pas mère/matière/murmure — mais coyote, une figure de lien, toujours problématique, toujours puissant, des significations et des corps. L'encorporation féministe, les espoirs féministes pour une partialité, une objectivité et des savoirs situés, branchent les conversations et les codes sur cette intersection active du terrain des corps et des significations possibles. C'est là que la science, l'imagination scientifique, et la science-fiction convergent dans la question de l'objectivité pour le féminisme. Peut-être nos rêves de responsabilité, de politique, d'écoféminisme, conduisent-ils à revoir le monde comme un encodeur filou avec lequel nous devons apprendre à parler.

Donna Haraway, "Savoirs situés : la question de la science dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle" Manifeste cyborg et autres essais, trad. Marie-Hélène Dumas, Charlotte Gould et Nathalie Magnan, Paris, Exils éditeur, 2007, p. 134-135.