Toutes les musiques de toutes les époques jouent en même temps. Jamais on n'est dans un seul endroit à une seule date. Les rouleaux de mer s'écrasent contre les rochers de l'autre côté de la route. Le tissu léger de la tente laisse entrer le bruit, le tissu léger de mon corps laisse entrer le bruit, il me semble que les vagues se fracassent directement sur mes côtes. Le son est puissant, comme avant lui le son de l'orage dans la forêt dense, en plein après-midi, la course du tonnerre dans les montagnes, amplifié, déformé, menaçant, les éclairs si proches qui soulèvent de terre et font courir les ratons laveurs dans l'humus gorgé de pluie. Habiter ces moments-là, c'est accepter de n'en habiter aucun. C'est accepter d'être hors et en soi, sans distinction, parfaitement fébrile, surface transpercée. Les vagues parlent, l'écho parle, et je me débats dans une eau dont je ne reconnais pas la couleur.
Marie Richeux, Climats de France, Paris, Sabine Wespieser éditeur, 2017, p. 231.