Comme ces œuvres minimalistes qui s'attachaient à redéfinir le rapport sujet-objet, les Paßstücke réclament la co-présence du regardeur, à travers une participation active à sa signification, qui serait incomplète sans le recours à l'activité du public. On peut s'asseoir, ou s'allonger, dans les installations de West : mais cela ne dénote aucunement un souci de fonctionnalité. Ce n'est pas parce qu'on peut utiliser un objet, dans une proposition artistique, que le thème de cette proposition est la fonctionnalité. On peut manipuler un Paßstück, mais cette manipulation ne constitue pas le sujet de l'œuvre. Celui-ci est la "combinaison des Paßstücke et des corps humains qui s'y adaptent." Comme l'explique West, "le tire bouchon est le Paßstück de la bouteille."
L'œuvre se voit interprétée, à l'instar d'un morceau de musique, par des instrumentalistes anonymes qui ne pratiquent, pour tout art, que celui de vivre au quotidien. En ce sens les Paßstücke s'inscrivent dans une tradition initiée par Fluxus, celle de l'œuvre à interpréter. Une installation telle que l'Auditorium, présentée à la Dokumenta de Kassel en 1992 (72 divans dont les éléments étaient recouverts de tapis, et sur lesquels chacun était incité à s'asseoir) participe à la fois d'une réflexion sur la gestalt (parce qu'elle se présente comme une structure englobante, produisant un effet perceptif totalisant, à l'instar d'une pièce de Tony Smith) et d'une problématique du partage, de la relation inter humaine dans le processus d'exposition.
Nicolas Bourriaud, "L'art de la passe/co-présence, disponibilité et usage dans l'œuvre de Franz West" in Franz West, co-édition Villa Arson et Le collège/FRAC Champagne-Ardenne, 1997, p. 4.