L'œuvre de West pourrait ainsi se décrire comme un travail symbolique sur la musculature, sur les déformations subies par l'appareil musculaire dans le quotidien et leurs répercussions sur notre manière d'envisager l'art. La contemplation assurée est une habitude, un muscle trop bien exercé, une déformation, en somme, que viennent "corriger" les sculptures-canapés. Ne sont-elles pas, après tout, "un ready-made perçu par le cul ?". L'art westien relève ainsi, en son extrémité, d'une pratique ascétique. L'artiste voudrait que ses œuvres puissent être perçues, en partie au moins, "inconsciemment". Que le public puisse s'asseoir, ou transporter une œuvre, sans se rendre forcément compte qu'il s'agit d'art. Cet appel à l'inconscient du regardeur, qui devient alors un simple usager, est un appel à l'automatisme. L'œuvre doit acquérir un minimum d'invisibilité pour exister vraiment. La fonction n'est elle même pas mise en scène : au contraire, la présence d'un socle désigne la sculpture. L'esthétique de Franz West ne repose pas sur la fonctionnalité, mais sur l'usage.

Nicolas Bourriaud, "L'art de la passe/co-présence, disponibilité et usage dans l'œuvre de Franz West" in Franz West, co-édition Villa Arson et Le collège/FRAC Champagne-Ardenne, 1997, p. 5.