Ce n'est probablement pas sans raison que les fondations créées depuis une vingtaine ou une trentaine d'années par les grands collectionneurs — dont la fortune est généralement liée au luxe ou à la finance, plus qu'à l'industrie[1] — se concentrent presque exclusivement sur le "contemporain". Il n'est pas non plus indifférent d'observer que les prix atteints par certains artistes contemporains peuvent s'avérer aussi élevés que celui des chefs-d'œuvre consacrés de périodes plus anciennes. Il y a un rapport entre cet état de choses, les tendances du marché et la place prise par l'art contemporain dans les grandes manifestations internationales comme les biennales ou les grandes foires, Bâle, Miami, etc.
L'internationalisation en est une composante majeure, qui correspond à celle des flux financiers. C'est également le diagnostic de Peter Osborne :
"Ce qui rend possible l'art contemporain, au sens emphatique d'un art de la contemporanéité, c'est la convergence et le conditionnement mutuel des transformations historiques qui se sont opérées dans l'ontologie de l'œuvre d'art et des relations sociales dans le champ artistique. Cette convergence et ce conditionnement mutuel ont leur source dans des processus économiques et communicationnels plus généraux[2]."
Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 60-61.
[1] La corrélation n'est pas entre l'importance de la fortune et l'investissement dans l'art, mais entre la fortune, le luxe et l'art. Les investissements, dans ce cas de figure, se portent aussi significativement vers le vin, par exemple, et bien entendu vers l'architecture. Pour ne prendre que trois exemples, typiquement familiers : Cartier, Pinault et plus récemment LVMH.
[2] Peter Osborne, Anywhere or Not at All : Philosophy of Contemporary Art, Verso Books, 2013, p. 28.