En formulant, dès 1965, leur conception de la sculpture contemporaine, Donald Judd et Robert Morris abordaient une question qui allait demeurer longtemps essentielle : celle des relations actives de l'espace réel et des éléments constitutifs de la sculpture. En revendiquant l'ensemble de l'espace physique avec ses caractéristiques d'homogénéité et de continuité, leurs discours théoriques n'en assimilaient pas moins, comme l'a rappelé Jean-Marc Poinsot, "… l'espace réel à l'espace des galeries et des musées dans lesquels ils plaçaient leurs volumes simples et réguliers[1]…" On saisit la différence fondamentale qui s'établit entre l'attitude d'artistes réfléchissant à des situations de présentation à partir d'un espace considéré dans ses qualités d'orientation, d'échelle, de propriétés architecturales, et l'ambition d'artistes tels que Laura Lamiel qui, à la suite des tenants de l'anti-form ou de l'arte povera, ont considéré que l'espace nécessaire à l'œuvre ne saurait être coupé du cadre social et culturel dans lequel elle fait irruption. La réussite de Laura Lamiel, son tour de force, pourrait-on dire, c'est d'avoir compris que les deux approches en dépit de leurs contradictions les plus visibles se rejoignent dans le même rêve d'une identification de l'art et de la vie.

Anne Tronche, Laura Lamiel, La pensée du chat, Paris, éditions Actes sud / Crestet centre d'art, 2001, p. 26-27.

[1] Jean-Marc Poinsot, Quand l'œuvre a lieu — L'art exposé et ses récits autorisés —, Mamco, IAC, Art édition, Genève, Villeurbanne, 1999.