Il en allait de même pour ses repas : son corps était une machine, une locomotive à peindre, qui devait être entretenue avec les meilleurs moyens. Selon lui, le mauvais vin l'empoisonnait et les biftecks trop gras encrassaient ses veines. Il préférait par conséquent du bon vin pour être en bonne santé, du bon cognac pour faire circuler son sang, du étourdir quand il le fallait, des pommes de terre parce que ça correspondait mieux à sa nature, et du tabac à volonté, réputé bon pour la gorge et favorable à la création. Sans être hypocondriaque, il était à l'écoute de son corps et conscient que, sans ce dernier, il ne pouvait pas peindre.
Il devait également bien dormir, et avoir de la place pour ranger son matériel. Quand il séjournait dans un hôtel ou une pension, il lui fallait par conséquent deux chambres. Enfin, pour pouvoir réaliser un grand projet, celui de réunir plusieurs artistes en vue au sein d'une entreprise commune, il devait louer une maison entière, qui, ne servant à rien si elle n'était pas meublée, fut entièrement équipée aux frais de Theo.
Wouter Van Der Veen, Le capital de Van Gogh, Arles, Actes Sud, 2018, p. 77-78.