Charley Baker était chargé du barbecue, mais il aurait aussi bien pu organiser toute cette foutue fête par ce que c'était lui qui avait le plus gros boulot. Il avait acheté le bœuf, tout un gros arrière-train, et il l'avait fait mariner trois jours dans une sauce qu'il avait préparé lui-même. Et puis, la veille au matin, il avait transporté le quartier de bœuf jusqu'à Spanish Fork, à un peu plus de cent cinquante kilomètres de Tolele, après l'avoir d'abord enveloppé dans de la gaze pour qu'il ne se dessèche pas, ensuite il avait enroulé tout autour du papier brun et avait mis le tout dans un sac. Bien sûr, il n'avait cessé de l'arroser pendant tout le temps qu'il creusait cet énorme trou dans le jardin de Stein, une vraie petite tranchée, et puis il l'avait tapissée de pierres qu'il avait dû déterrer lui-même, et il avait allumé un feu qu'il avait surveillé pendant des heures pour que les pierres soient brûlantes. Il fallait avoir des pierres plus brûlantes que l'enfer pour un barbecue réussi. L'idée, c'était de déposer le quartier de bœuf tout enveloppé et puis — il y avait là-dessus deux théories — ou bien entasser de la terre par-dessus ou bien, comme préférait Charley, utiliser un couvercle de façon à pouvoir venir arroser la toile de sac de temps en temps. Ça faisait une viande vraiment plus juteuse et tendre.

Norman Mailer, Le chant du bourreau [1979], trad. Jean Rosenthal, Paris, Pavillon poche Robert Laffont, 1980, 2008, p. 217.