Les pistes nombreuses que lui avait fourni le duo, en parfaite cohérence, sans que l'un ne domine jamais l'autre, Lebrun et Leblond, le psychiatre et le logicien, venaient s'ajouter comme une note harmonique au désordre de la pelote d'algues. Pelote grossie qui le suivit obstinément jusqu'à la Seine. Il longea les devantures des bouquinistes, étonné de se trouver soudain plus d'attirance pour des livres anciens. Depuis deux jours, il vivait au XVIIIe siècle, auquel il prenait goût peu à peu. Non, il ne prenait pas goût, il s'habituait, voilà tout. Il imaginait parfaitement ce François Didier Château, cet humble fils présumé, cet étrange privilégié gérant le passage des diligences publiques dans le Loiret. Avec ses relais de chevaux, ses haltes, ses auberges. Il descendit jusqu'au fleuve, y trouva un banc de pierre émoussé et s'y endormit, comme l'avait peut-être fait un gars, ici là, un gars d'il y a plus de deux siècles. Et cela lui parut adéquat et confortable.

Fred Vargas, Temps glaciaires, Paris, Flammarion, 2015, p. 241.