Chez Bob, le téléphone n'avait même pas sonné, se trouvant hors d'usage. Ses fils étaient arrachés, et l'appareil lui-même était cassé comme la plupart des choses autour de lui. En l'absence de Bob, sur une crise de Van Os vengeur, ses hommes avaient dévasté le studio ; brisé tout accessoire, déchiré jusqu'aux annuaires puis conclu leur ouvrage en brûlant dans l'évier quelques ustensiles de plastique choisi. Leur fumée grasse, partout appliquée en épaisse suie collante, ruinait de toute façon l'avenir des rares objets intacts. Débarquant d'un taxi hélé à Roissy, leur montre encore à l'heure malaise, leur petite mine accusant le décalage, Paul et Bob s'étaient tenus devant la porte poussée, dans le couloir, comme sur le seuil d'une molécule de houille : l'espace était uniformément noir, hérissé de carcasses noires, jonché de débris noirs coupants. Ils n'osèrent pas entrer.

Jean Echenoz, L'équipée malaise, Paris, Mdouble Les éditions de minuit, 1986-1999, p. 221.