Tant que l'énergie investie reste musculaire, c'est-à-dire immédiate et contingente, l'outil demeure enlisé dans la relation humaine, symboliquement riche, mais structurellement peu cohérente, quoique formalisée dans un certain gestuel.
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Le statut de l'outil ou de l'objet manuel ne change guère à travers les siècles. Or cette relation profonde, gestuelle, de l'homme aux objets, en laquelle se résume l'intégration de l'homme au monde et aux structures sociales, peut être d'une grande plénitude, que nous lisons dans leur beauté réciproque, leur "style". Il reste que cette relation est une contrainte qui, parallèlement à celle des structures sociales, fait échec à une véritable productivité. Complexes de gestes et de forces, de symboles et de fonctions, illustrés, stylisés par l'énergie humaine — nous admirons ces faux, ces corbeilles, ces cruches, ces charrues qui épousaient les formes du corps, de l'effort et de la matière qu'ils transformaient, mais la splendeur de cette relation de conformité, demeure subordonnée à la contrainte relationnelle. L'homme n'est pas libre de ses objets, les objets ne sont pas libres de l'homme.

Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1968, p. 66-67.