En 1864, à proximité des thermes de Stabies, les ouvriers mirent à jour une excavation proche d'une ruelle conduisant des bains au forum ; un squelette gisait à cet endroit. Redoutant un geste fâcheux d'un ouvrier, Fiorelli avait donné l'ordre d'interrompre immédiatement les travaux et d'attendre sa venue chaque fois que des indices laissaient croire à l'existence d'une trouvaille extraordinaire. Alerté, il accourut sur le chantier. Une fois l'ouverture agrandie, apercevant un crâne au fond de l'excavation, il eut l'idée d'y faire couler du plâtre liquide. Quant il fut solidifié, on procéda au déblaiement définitif. À la surprise des assistants, quatre cadavres apparurent ; le plâtre avait non seulement fixé leur position, mais aussi l'expression peinte sur leur visage à leurs derniers moments. Deux des empreintes étaient celles d'une mère et de sa fille ; elles devaient être d'origine patricienne à en juger par la finesse de leurs attaches. Près d'elles se trouvaient trois paires de boucles d'oreilles, une centaine de monnaies d'argent et deux vases de fer ; deux bagues d'argent entouraient les phalanges de la plus âgée. Un bras était cassé et l'autre ramené sur la tête dans un geste de protection. Âgée de quatorze ans, la jeune fille avait enfoui sa tête dans ses bras. Non loin de là gisait le cadavre d'une autre femme, une plébéienne ainsi qu'il ressortait de la bague de fer qu'elle portait au doigt, puis, à quelques mètres, celui d'un géant. Couché sur le dos, il portait lui aussi un anneau de fer au doigt et, aux pieds, des sandales partiellement conservées.
Grâce à Fiorelli et à son idée de prendre des moulages des empreintes retrouvées, il devenait possible de reconstituer le drame de Pompéi. Les corps étaient encore chauds quand la cendre s'était solidifiée ; le cadavre disparaissait mais la forme se conservait intacte. Le musée de Pompéi renferme les moulages de nombreux Pompéiens ; en particulier ceux de la jeune fille et du géant qui l'accompagnait. La ruelle près de laquelle furent découverts les corps a été, depuis, baptisée "ruelle des squelettes" ; ce procédé n'est bien entendu utilisable que lorsque les victimes sont enfouies dans la cendre ; en revanche, les Pompéiens morts dans les caves ou ensevelis sous les lapilli subsistent à l'état de squelettes plus ou moins bien conservés.

Egon C. Corti, Vie, mort et résurrection d'Herculanum et de Pompéi [1963], trad. Henry Daussy, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1995, p. 260-261.