L'histoire et mon corps sont les deux plans de la motivation, les deux racines de l'involontaire. De même que je n'ai pas choisi mon corps, je n'ai pas non plus choisi ma situation historique ; mais l'une et l'autre sont le lieu de ma responsabilité. Entre mon corps et moi s'institue un rapport circulaire dont une des formes est précisément le rapport de motivation : de même entre mon histoire et moi ; l'histoire "historialise" des valeurs à un moment donné et elle sollicite mon adhésion d'une manière analogue à ma faim, ma soif, ma sexualité. L'histoire m'incline comme mon corps.
Paul Ricœur, Philosophie de la volonté, 1. Le Volontaire et l'Involontaire [1950], Paris, Essais Points, 2009, p. 165-166.