L'activité artistique est une activité comme une autre. Au contraire, le marché de l'art fait de la création la spécificité de la production artistique. Sa valeur est déterminée par la rareté, l'unicité et l'originalité du créateur.
"Les ready-mades étaient un moyen de se débarrasser de la monétarisation de l'œuvre d'art, qui venait juste de commencer. En art seulement, l'œuvre originale est vendue et elle acquiert du même coup une sorte d'aura. Mais avec mes ready-mades, une réplique fera tout aussi bien l'affaire."
À travers le ready-made, Duchamp voulait "balayer l'idée de l'original", et, du même coup, l'idée de copie, puisqu'"il n'y a rien d'unique […] en fait presque tous les ready-mades existant aujourd'hui ne sont pas des originaux au sens reçu du terme".
Mais si le ready-made n'a rien d'unique, s'il est produit sans la virtuosité de l'artiste et l'intervention de sa main, il doit être impérativement signé, ce qui, comme on le verra plus loin, risque de faire revenir par la fenêtre ce qu'il avait fait sortir par la porte.

Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp et le refus du travail, Paris, Les prairies ordinaires, 2014, p. 30.