L'utilisation de treillis métallique, dans Carriage (1966), permet à Caro d'accomplir un double geste : délimiter — définir, presque enclore — un fragment d'espace tout en affirmant sa continuité avec ce qui constitue l'environnement immédiat du reste de la sculpture. Quant à savoir comment décrire le treillis métallique lui-même, voilà qui pose problème : par exemple, s'il va de soi que c'est quelque chose à travers quoi on peut voir, il va moins de soi que c'est aussi quelque chose à travers quoi on ne peut pas voir. Ce n'est pas un objet transparent, mais un objet opaque ; le regard à la fois s'y arrête et va plus loin — il ne le traverse pas, comme il ferait d'une vitre. En superposant, selon un certain angle, deux treillis dont l'ouverture est différente, Caro introduit un plan de variation non pas dans la transparence à proprement parler, mais dans la densité visuelle. Tout se passe comme si le treillis devenait hachure — nuance ou valeur littérale quoique désincarnée.

Michael Fried, Chapitre 5 Anthony Caro, in Contre la théâtralité, Du minimalisme à la photographie contemporaine, 1998-2006, trad. Fabienne Durand-Bogaert, Paris, nrf essais Gallimard, 2007, p. 110.