LE DEGRÉ ZÉRO

La présentation d'une exposition dépend de l'opinion que l'exposant officiel se fait de l'art. La présentation officielle adopte les normes "modernisées" de tout institut d'exposition. C'est-à-dire qu'un mode d'exposition toujours hiérarchique constitue avec les institutions exposantes (musées) et les autres institutions (hôpitaux, prisons, etc.) la société officielle. De ce fait, tout travail d'exposition est la plupart du temps sur la base d'un compromis (exemple : Documenta 5 et H. Szeemann).
Nous constatons donc que la mise en scène des objets et des images est rarement adéquate mais qu'il y a, pour toute exposition, tendance à la manipulation. J'ai montré pour ma part l'été dernier l'exposition L'Aigle de l'Oligocène à nos jours à la Kunsthalle de Düsseldorf. Comme artistes, cela veut dire, avec une signification aussi peu déterminée et aussi mal définie, mes actions ne pouvant être situées que dans les formations marginales du comportement social. Il est aisément constatable que je voulais neutraliser la valeur d'usage du symbole de l'Aigle et la réduire à son degré zéro pour introduire des dimensions critiques dans l'histoire et l'usage de ce symbole.

Marcel Broodthaers, "Der Nullpunkt" in : Heute Kunst (Milan 1973), in Marcel Broodthaers par lui-même, Gand/Paris, Ludion/Flammarion, 1998, p. 95.