En termes kantiens, cela signifie que dans ce voisinage il est question non pas d'une limite (Schranke), qui ne connaît pas d'extériorité, mais d'un seuil (Grenze), autrement dit d'un point de contact avec un espace extérieur, qui doit demeurer vide.
Ce que quelconque ajoute à la singularité n'est qu'un vide, une limite ; le quelconque est une singularité plus un espace vide, une singularité finie et, toutefois, indéterminable selon un concept. Mais une singularité plus un espace vide ne peut être autre chose qu'une extériorité pure, une pure exposition. Quelconque est, en ce sens, l'événement d'un dehors. Ce qui est pensé dans l'architranscendental quodlibet est donc ce qui est le plus difficile à penser : l'expérience, absolument non chosale, d'une pure extériorité.
Essentiel est ici le fait que la notion de "dehors" soit exprimée, dans de nombreuses langues européennes, par un mot qui signifie "à la porte" (fores est, en latin, la porte de la maison ; thyrathen, en grec, signifie littéralement "au seuil"). Le hors n'est pas un autre espace situé au-delà d'un espace déterminé, mais il est le passage, l'extériorité qui lui donne accès — en un mot : son visage, son eidos. Le seuil, en ce sens, n'est pas autre chose que la limite ; c'est pour ainsi dire l'expérience de la limite même, de l'être-dans un dehors. Cette ek-stasis est le don que la singularité reçoit des mains vides de l'humanité.
Giorgio Agamben, La communauté qui vient, Théorie de la singularité quelconque, trad. Marilène Raiola, Paris, Seuil, 1990, p. 69-70.