À notre époque, l'architecte et l'urbaniste pensent en volumes, en volumes pleins. Ils répartissent sur un terrain un certain nombre d'unités en rapport de certains espaces et d'une certaine trame circulatoire, aménagée avec certains jardins et certains agréments qu'ils imaginent vus d'en haut comme des aviateurs. Ils disposent ces volumes pleins comme sur un plateau, soit en esprit, soit en dessin, soit en maquette, mais ils ne réalisent pas que, dans ce volume-immeuble, il n'y aura jamais qu'une façade qui sera vue, deux à la rigueur, jamais trois.
Cependant, l'ensemble des façades enferme un volume qui, lui, est un volume transparent. Le bloc de cristal définirait cet espace d'air et de lumière. C'est de la variété de ces volumes que procède le bonheur ou le malheur des hommes. C'est cet élément transparent, aéré, grand ou minuscule espace compris entre les architectures, qui crée l'impression de bonheur, de tristesse ou de malheur. Aux espaces crées, viennent s'ajouter l'aspect des matériaux, le rythme des immeubles, la diversité ou la monotonie des surfaces.
(…)
Je n'attache pas du tout d'importance aux volumes vus d'avion. C'est une vision fausse. L'aviateur n'habite pas la ville. Exemple : une usine atroce, un centre d'habitation sordide, vus d'avion, sont de jolis modèles réduits. Trop souvent les architectes composent avec ces modèles réduits parce qu'ils sont incapables d'avoir la vision d'un ensemble à construire, de le voir de l'intérieur. Il ne savent pas composer en se promenant dans la cité.
Quand vous faites une partie de la ville, il faut que vous vous sentiez entouré de ce que vous allez construire. Il faut que vous leviez la tête, que vous regardiez à droite, à gauche, que vous ressentiez à l'avance tout ce qui va se passer.

Fernand Pouillon, "Fernand Pouillon ou le génie de la construction", Archiettura nei paesi islamici, Attilio Petruccioli, Seconda Mostra internazionale di architectura. Edizione La Biennale di Venezi, 1982, in Fernand Pouillon, Mon Ambition, Saint-André de Roquerpertuis, éditions du Linteau, 2011, p. 17-18.