Akeley cherchait à fabriquer une vraie vie, une vue unique. La vie de l'Afrique devint sa vie, son telos. Mais il n'est pas possible de raconter sa vie d'un seul point de vue. Il y a une polyphonie d'histoires, et elles ne s'harmonisent pas. Pour raconter l'histoire de la vie d'Akeley, chaque source parle sur le mode de l'autorité mais je me suis sentie tenue d'en comparer les versions, et de raconter l'histoire d'Akeley sur un mode ironique, le registre le plus éloigné de mon sujet. Akeley voulait présenter une vision immédiate ; je voudrais disséquer chaque couche de médiation et les rendre visibles l'une après l'autre. Je veux montrer au lecteur comment l'expérience du diorama s'est amplifiée à partir du safari dans des temps et des lieux spécifiques, comment l'appareil photo et le fusil sont ensemble, les conducteurs du commerce spirituel entre l'homme et la nature, comment la biographie est tissée dans et par un tissu social et politique. Je veux montrer comment les étonnants animaux de ce rêve concrétisé par Akeley dans l'African Hall sont le produit de technologies particulières, les techniques de production de sens.

Donna Haraway, "Le patriarcat de Teddy Bear : taxidermie dans le jardin d'Eden, New York, 1908-1936" in Manifeste cyborg et autres essais, trad. Nathalie Magnan, Paris, Exils éditeur, 2007, p. 162.