Le caractère énigmatique du quotidien, que signale Blanchot, n'est donc pas à chercher dans les aléas qui accablent la vie courante. Là encore, qu'il soit confortable ou ennuyeux à vivre, le monde quotidien ne semble pas être difficile à trouver (il est déjà distinctement perçu), ni receler quelque chose de précieux (ses biens sont communs et publics et, pour cette raison même, ne valent rien). Et pourtant l'énigme initiale ne laisse pas de réapparaître : ce qui se présente comme le plus proche et le plus familier est en réalité le plus lointain et le plus étrange.
Mais avant de nous interroger sur ce qu'il y aurait d'inestimable dans la découverte de ce monde quotidien, demandons-nous au préalable ce qui le recouvre. Car il n'y a de découverte possible que parce qu'il existe quelque chose de préalablement recouvert — et aussi quelque chose qui le recouvre. Quelles sont en effet les différentes raisons qui rendent cette découverte si difficile. Par quoi le quotidien est-il donc recouvert ? En fait, si le quotidien ne se prête pas facilement à la découverte, cela ne tient pas à sa situation inaccessible (où la distance formerait l'élément recouvrant), mais au contraire à sa trop grande proximité.
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On ne le regarde même plus tant on pense déjà savoir ce que l'on y voit — et ce que l'on y verra. Le monde quotidien est comme le motif dans le tapis de la nouvelle éponyme d'Henry James : si manifeste partout qu'il en devient invisible.

Bruce Bégout, La découverte du quotidien [2005], Paris, Allia, 2010, p. 21.