Il estime que le salut dépend des artisans qui "ont le devoir et l'honneur d'éduquer le public[1]" et de la réalisation de beaux objets dont l'accomplissement se déploie sur plusieurs niveaux, celui de l'expression individuelle et de l'ouvrage bien fait. Ce travail, dès lors qu'il est bien exécuté, procure non seulement une fierté à son auteur, mais il est aussi la source même de son bonheur. Habité par cette noble intention, dès l'année suivante, en 1861, il fonde avec Ford Madox Brown, Edward Burne-Jones, Charles Faulkner, Dante Gabriel Rossetti, Peter Paul Marshall et Philippe Webb, la firme d'ameublement et de décoration Morris, Marshall, Faulkner, Fine Art Workmen in Painting, Carving, Furniture and the Metals (Morris, Marshall, Faulkner, beaux-arts, artisans en peinture, taille, meubles et métaux) avec laquelle il entend revaloriser la fabrication artisanale. Première du genre[2], l'entreprise propose des réalisations et des aménagements de décoration intérieure de qualité. Avec elle, il revisite le modèle des guildes moyenâgeuses en s'appuyant sur une série d'ateliers spécialisés dans la fabrication de produits décoratifs, tels que tapisserie, carreau de céramique, papier peint… chacun dirigé par un responsable d'atelier qui supervise le travail. Omniprésent, Morris dessine, maîtrise chaque technique de production et dirige les ateliers et la vente. En 1875, après s'être séparés de ses associés, il réorganise la société qui devient Morris & Company et continue d'y produire des textiles, des tissus d'ameublement, des imprimés, des tapis, des tapisseries, etc.
Alexandra Midal, Design, introduction à l'histoire d'une discipline, 2009, Paris, Pocket Univers Poche, p. 57.
[1] William Morris, "Les arts mineurs" (1895) in Contre l'art d'élite, Paris, Hermann, 1985, p. 27.
[2] Même si comme l'évoque Gillian Naylor en se référant à l'ouvrage de Ford M. Hueffer, Ford Madox Brown, A record of his Life and Works, 1896, Longmans, Green & Co, p. 161, l'ingénieur Ford Madox Bown "avait dessiné ses propres meubles bien avant que ne soit même envisagé l'entreprise Morris & Co.", in The Arts and Crafts Movement, Cambridge, Masss., MIT Press, 1971, p. 99.