L'Allemand est revenu. List était dans le bureau. Il jouait avec son coupe-papier. Il a dit avoir passé une mauvaise nuit.
L'Allemand ne l'a pas écouté. Il a parlé de nouveau de son fils. Il a demandé s'il y avait d'autres objets à récupéré. Il a rappelé que la providence avait mis List sur son chemin. Il chercherait jusqu'au moindre bouton des souvenirs du passage de Samuel sur terre. Celui-ci devait passer quelques secondes dans cette ville, le temps de traverser par la route nationale, et il y était resté pour l'éternité. Alors…
List a répété : S'il voulait récupérer le reste des objets, il n'y avait q'un moyen, il fallait retourner sur les lieux de l'accident. Ne s'y était-il pas déjà rendu des dizains de fois, ou peut être cent, ou peut-être cent cinquante ?
L'Allemand a confirmé qu'il allait souvent prier devant la décharge municipale. Il regardait les fumées qui s'envolaient des tas d'ordures et il se parlait à lui-même.

Yves Ravey, L'épave, Paris, Les éditions de minuit, 2006, p. 73-74.