La troisième nature de leur relation est purement commerciale. Elle est souvent vue comme un sous-produit des deux autres. Or, Theo et Vincent en font pas affaire ensemble parce qu'ils sont frères et amis. Ils font affaire ensemble parce qu'ils y voient tous les deux des intérêts : Vincent pouvait construire son œuvre en prenant le temps nécessaire, et Theo pouvait s'affirmait à travers son frère dans le réseau qu'ils tissèrent ensemble dans le milieu avant-gardiste qu'ils fréquentaient. Cet investissement actif leur permit de faire entrer dans leur portefeuille des œuvres de Gauguin, Toulouse-Lautrec, Monet ou encore Degas. On a vu pire.
Il faut se souvenir que Vincent, ayant travaillé sept ans durant chez Goupil & Cie, avait vu et compris les mécanismes du marché des œuvres et de leurs reproductions. Son frère Théo, fidèle à la tradition familiale, avait pris le même chemin. Quand les deux frères discutaient d'art, de marchés potentiels, de réseaux et de techniques de diffusion, ils ne le faisaient donc pas en rêveurs inconscients. Ils étaient tous deux experts en la matière, et échangeaient leurs idées en pleine conscience des réalités, des opportunités et des risques de leurs positions.
Wouter Van Der Veen, Le capital de Van Gogh, Arles, Actes Sud, 2018, p. 64-65.