La sculpture est la démangeaison avant le grattement. C'est le "dé-" du déplacement. C'est l'irritation comme récit véritable ; la tension comme contenu. C'est le changement inaccompli comme intrigue en marche. C'est le bord glissant comme personnage.
Ce qui est directement au cœur de la sculpture c'est la simultanéité du changement.

Voilà ce que sont les sculptures : des récits d'un mouvement intérieur ; elles sont des récits d'un incident et d'une émotion instantanés ; elles sont des récits de différences mouvantes prêts à bondir — ou qui, ayant bondi, ne se sont pas encore posées.

Voilà ce que doit faire la sculpture : elle doit changer l'espace mental et physique dans lequel nous sautons ; elles doivent changer notre monde ; elles doivent nous transporter — dans l'instant — vers un autre lieu non développé et à peine construit ; elles doivent rôder en cet espace silencieux, humer l'air, et chasser en lisière. La sculpture doit me faire bondir.

Richard Nonas, Get Out, Stay Away, Come Back, À propos de la sculpture et de la sculpture en œuvre, trad. Mathilde Bellaigue, Dijon, Les Presses du Réel ; Chalon-sur-Saône, La vie des formes, 1995, p. 34-35