Les produits qu'il employait pour ses compositions, en dehors de menacer de le tuer, en dehors de lui ronger la cervelle et les poumons, posaient depuis quelque temps un problème de résistance à l'environnement. De non-résistance, plus précisément. Des matières se dégradaient, des vernis sautaient, des colles rongeaient le plastique, des couleurs passaient ou cloquaient au contact de l'air, des fibres se décomposaient, le plexi se fendait après avoir jauni, etc., bref son travail souffrait de détérioration accélérée, pâtissait de ses méconnaissances chimiques. Une douzaine de pièces étaient revenues afin qu'il les remît en état. C'était la moindre des choses étant donné leur prix. Il fallait également tenir compte du danger qu'elles s'étaient mises à représenter dans un appartement où circulaient des enfants, où elles tombaient des murs, se décrochaient de leurs cadres, s'effondraient comme des châteaux en ruine et retournaient à la poussière, au néant.
Il y avait du travail. Sur une série entière, des joints de silicone avaient claqué au contact d'un élément en fusion et la femme qui avait acquis ces œuvres, et avait fait fortune dans le prêt-à-porter ou Dieu sait quoi, râlait dans toute la ville.
Philippe Djian, Vengeances, Paris, Gallimard, 2011, p. 39.