(…) il se retrouva au-delà des rouleaux, là où nager aurait dû s'avérer plus facile. Mais, bizarrement, chaque mouvement du bras lui donna l'impression de hisser une grume hors de l'eau, de la lâcher, puis de tenter de l'enfoncer dans une substance dont la consistance était celle du ciment frais. Respirer lui déchirait les poumons, son cœur battait à toute vitesse, douloureux. Mais il ne renonça pas. Il nagea dans la lumière faiblissante. Il nagea dans le noir. Il nagea jusqu'au moment où il fut impossible de nager. Alors il renonça à tout, à cette entreprise ridicule, à sa bénédiction facile :
Dors, à présent. Repose-toi. Je serai là, oui.
Et ce fut tout ce dont il se souvint : les grumes qui s'immobilisèrent sur l'eau et sa tête qui trouva sa place, exactement comme avait fait celle de Mo, son corps qui se cambra de la même façon puis plongea, s'enfonça dans son océan d'éternité.
Mais il ne rencontra que du sable, une autre petite proue de plage où brûlait un feu de bois mort, et des voix qui s'abattirent sur lui tels des embruns salés, voix calmes et cinglantes qui se moquèrent de ce que l'océan venait de cracher.

Newton Thornburg, Fin de fiesta à Santa Barbara [1976], trad. Daniel Lemoine, Paris, Gallimard, 1995, p. 311-312.