Les excavatrices défoncent, les hommes creusent, c'est parti. Le terrain semble s'offrir sans résistance, meuble, nettoyé maintenant de toute habitation humaine quand des plaques de terre tassée de formes géométriques attestent pourtant de l'occupation encore récente des sols. D'étroits cordons d'herbe drue délimitent ces surfaces, des traces de pneus les frôlent, certaines superposées ayant même entamé la terre, on compte nombre de fosses puantes, des foyers couverts de cendre grenue, et si l'on fait attention, si l'on se penche au sol avec précaution, on ramasse encore bien ici de quoi remplir une benne à ordures.
Maylis de Kerangal, Naissance d'un pont, Paris, Verticales Gallimard, 2010, p. 99.