Le travail de care chez autrui montre (il est encore besoin de le montrer !) qu'il n'a rien de naturel en général (il peut être, par ailleurs, aimé et voulu : rien ne l'interdit et il a ses beautés !) : ni pour la servante travaillant au bien-être des étrangers à sa famille, ni pour la maîtresse qui en reçoit les bénéfices et qui ne le fait précisément pas. À la question de savoir pourquoi la réalité du travail féminin hors de chez soi dans les domaines de care (qui, cela va sans dire, ne date pas du XXe siècle…) a laissé inentamé l'essentialisme, une réponse passe par la révélation des effets de masque et, positivement, par un appel comme celui de Tronto à l'introduction des valeurs de care dans la vie politiques, qui conduit à débat sur la place publique. Contre un essentialisme de principe qui se croit seul capable de répondre aux différences dans les rôles procréateurs, les analyses de Tronto montrant frontières et fragmentations reléguant les travaux de care en position invisible sont éclairantes : on voyait de la servante la maternité, et non le travail, qui, depuis des lustres, constitue pourtant autant de temps que la servante ne consacre pas à ses propres enfants.
Layla Raïd, Care et politique chez Joan Tronto in Qu'est ce que le care ?, Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, p. 62.