L'irruption de matériaux et d'objets ordinaires, associée à des dispositifs mécaniques, à une hétérogénéité cultivée comme telle, ainsi qu'à des procédures aléatoires ont eu des effets destructeurs de toutes sortes, bien que ces atteintes à une vision canonique des œuvres se soient en même temps nourries d'un esprit qui déplaçait les points d'application de l'aura vers les techniques et la machine, comme cela se manifeste, diversement, dans le futurisme et le surréalisme. Néanmoins, la justification de ces usages subversifs résidait principalement dans l'ambition d'en finir avec l'injonction de l'œuvre[1], et, de ce point de vue, le fait d'intégrer à leurs productions ou à leurs manifestations des éléments non artistiques ou non réputés tels avait également, pour les artistes, le sens d'une contestation de la sacralité étrangère aux soucis de conservation — voire de restauration — qui entourent aujourd'hui l'art "contemporain". On peut mesurer, sur ce plan-là, toute la distance qui sépare la situation et les pratiques actuelles des arts de celles des avant-gardes.
Jean-Pierre Cometti, La nouvelle aura, Économies de l'art et de la culture, Paris, Questions théoriques, collection Saggio Casino, 2016, p. 190.
[1] Voir Hans Belting, Le Chef-d'œuvre invisible, trad. fr. M.-N. Ryan, Jacqueline Chambon, "Rayon art", 2003.