Baumgartner, en poussant la porte, sait qu'il n'aimera pas la refermer derrière lui : l'étouffant gourbi dans lequel il pénètre n'inspire pas en effet le bien-être, c'est une façon de terrain vague intérieur, de terrain vague retourné comme un gant. S'il est ceint de quatre murs et qu'un plafond le protège, le sol est indistinct sous les déchets, emballages d'aliments périmés, monticules de hardes, magazines déchiquetés et prospectus moisis que rend à peine lisibles un mégot de bougie, planté dans une canette posée sur un cageot. Surchauffé par un appareil à butane, l'air n'est qu'un bloc d'odeurs de renfermé, de moisissure et de gaz brûlé. On respire mal. Un combiné radio-cassettes, au chevet d'un matelas, diffuse à très bas bruit n'importe quoi.
Jean Echenoz, Je m'en vais, Les éditions de minuit, collection Mdouble, 1999-2001, p. 80-81.