Il est aussi arrivé de plus en plus qu'on passât par certains villages abandonnés de leur population, parfois même effondrés, dévastés ou brûlés, peut-être, pour n'avoir pas payé le tribut. Les caves des maisons vides avaient été souvent dévalisées, on y découvrait au mieux des bouteilles d'eau de Vichy. Les rues désertes étaient jonchées de choses diverses et dégradées : on pouvait trouver là, par terre et qu'on ne ramassait pas souvent, des cartouches non tirées laissées par une compagnie momentanée, du linge épars, des casseroles sans poignée, des flacons vides, un acte de naissance, un chien malade, un dix de trèfle, une bêche fendue.

Jean Echenoz, 14 [2012], Paris, Hachette livre, 2015, p. 50.