Les actions de l'homme, c'est-à-dire ses informations, son caractère d'empreinte — imprimer quelque chose à une forme — cette in-formation, doit-on les considérer comme un processus procédant d'une libre décision, de la liberté de cet être ? Dans ce caractère d'empreinte ; on arrive au point où il faut parler du processus sculptural : imprimer un acte dans la matière. Par cet acte, le sculpteur ne se distingue guère de l'imprimeur. Dans ce caractère d'empreinte, le sculpteur n'est pas non plus fondamentalement différent de l'ingénieur mécanicien qui par sa volonté de mise en forme, s'applique à mettre son empreinte dans des tâches mécanico-motrices. Ainsi, on voit dans cette action, dont le caractère d'empreinte est immédiatement discernable, que derrière ce processus plastique s'en trouve un autre. Si l'on observe, décrit et perçoit impartialement, par l'action humaine et les organes corporels, ce qui a lieu dans l'empreinte de ce caractère sculptural, on peut retrouver d'où vient cette décision en vue de la forme que possède ce caractère d'empreinte. Le révolutionnaire peut reparcourir le processus jusqu'à la forme qu'il a d'abord développée dans sa pensée ou ses représentations. S'il réalise cela et examine toutes les forces qui agissent et vivent en lui, il verra qu'il peut déjà attribuer ce caractère plastique à la pensée. Il peut donc dire que déjà dans la pensée se fonde le processus de mise en forme qui ensuite, par ses organes corporels et autres outils apparaît dans le monde en tant que caractère d'empreinte et là, prend une forme qui informe : information à l'égard d'un autre être qui a besoin de cette information sous la forme d'un produit, ou bien qui considère l'information comme un message que l'autre peut percevoir.

Joseph Beuys, "Entrée dans un être vivant" [discours prononcé en 1977, publié en 1984], in Par la présente, je n'appartiens plus à l'art, trad. Olivier Mannoni et Pierre Borasa, Paris, L'arche, 1988, p. 50-51.