Ainsi, on peut concevoir chaque contenant, chaque Proposition d'Absalon comme un paysage où des volumes, des pleins et des creux "rangés" et "arrangés" forment véritablement des moules pour le corps. Non des moules destinés à disparaître lorsque le corps apparaîtra, comme dans la statuaire classique. Non des moules destinés à faire disparaître le corps, comme par exemple chez le sculpteur américain George Segal. Mais bien plutôt, comme l'exploitation d'un potentiel infini — et menaçant — du moulage, ainsi que l'avait prévu Rodin : 1993, c'est aussi la date de House, l'œuvre publique éphémère de Rachel Whiteread, offrant les empreintes muettes d'un espace domestique traditionnel. Il s'agit du moulage en béton du volume intérieur d'une maison londonienne de trois étages, elle-même constituant le dernier vestige d'un ensemble du XIXe siècle dans l'Est de Londres, et dont le fantôme reste ainsi accroché à son terrain quelques mois de plus, avant d'être détruite, non sans être l'objet d'une violente polémique. Dans le paysage londonien, ainsi, ce volume tendant vers l'extérieur, l'empreinte inversée de sa peau intérieure, "reformulant les conditions de l'intériorité et de l'extériorité en référence au corps[1]", a fait l'effet d'une contre-forme. C'est-à-dire, d'une forme contre.

Élisabeth Lebovici, "Habiter Habituer" in Absalon, cellule516 zone d'art habitée, Dilecta, 2014, p. 53-54.

[1] Anthony Vidler, Warped Space. Art, Architecture and Anxiety in Modern Culture, MIT Press, 2000, p. 2.