Tous les quatre mois environ, De Klerk emmenait ses ministres et quelques secrétaires choisis au camp d'Ons Hoop, au sud de la frontière du Botswana. Ils y restaient deux jours. Ces déplacements, tout à fait officiels, étaient avant tout destinés à discuter en paix des dossiers sensibles. De Klerk avait institué cette coutume dès le début de son mandat, quatre ans plus tôt. Certaines des décisions les plus importantes de son cabinet avaient été prises autour de ce feu. Le camp d'Ons Hoop avait été construit avec l'argent de l'État, et De Klerk n'avait aucune difficulté à justifier son existence. Il lui semblait que ses collaborateurs et lui-même réfléchissaient plus librement, avec plus d'audace peut-être, autour du feu de camp, sous le ciel nocturne, en respirant le parfum de l'Afrique originelle. Il avait parfois pensé que le sang boer reprenait alors ses droits. Des hommes libres, liés à la nature, qui ne s'étaient jamais réellement habitué à leur nouvelle vie, aux bureaux climatisés et aux voitures blindées. Ici, à Ons Hoop, ils pouvaient jouir sans entrave des montagnes à l'horizon, de la plaine infinie, d'un braai mitonné avec soin. Ils pouvaient discuter sans se sentir pressés par le temps, et cela donnait de bons résultats.
Henning Mankell, La lionne blanche [1993], trad. Anna Gibson, Paris, Seuil Points Policier, 2004, p. 141-142.