Il traversèrent la Lituanie à bord d'une succession de cars, tous privés d'amortisseurs. Enfin quatre jours après le début du voyage, ils se retrouvèrent en vue de la frontière lettone, au fond d'une forêt qui sentait la résine.
— Warten, répéta Preuss.
Wallander, docile, s'assit sur une souche et attendit, il avait froid et mal au cœur.
J'arrive à Riga malade et morveux, pensa-t-il avec désespoir. De toutes les bêtises que j'ai faites dans ma vie, celle-ci est la pire et ne mérite aucun respect, rien qu'un énorme éclat de rire. Qu'est ce que je vois ? Sur une souche de la forêt lituanienne, un policier suédois au tournant de l'âge mûr, qui vient de perdre le peu de cervelle qui lui restait.
(…)
Il s'était donc écoulé quatre jours depuis qu'il avait assumé sa nouvelle identité. Preuss était accroupi sur un monticule de racines enchevêtrées ; Wallander devinait son visage dans l'ombre et crut comprendre qu'il montait la garde, le regard tourné vers l'Est. Il était minuit passé de quelques minutes. Wallander pensa qu'il allait attraper une pneumonie s'il ne quittait pas bientôt cette souche.

Henning Mankell, Les chiens de Riga [1992], trad. Anna Gibson, Paris, Seuil, 2003 p. 202-203.