Toutes les fois qu'il a travaillé, même lors de cette résidence d'auteur dans l'île de Vassivière, c'était grâce au système relationnel, estime Jérôme1720. Il est possible qu'en prononçant son nom auprès du directeur de l'École des beaux-arts de Lyon, Jean-Marie4506 et peut-être Nathalie2400 aient favorisé sa nomination à ce poste de professeur d'écriture quand Pierre2800 a quitté Lyon pour Paris, il y a sept ans. Dans le milieu de la poésie, on lui dit parfois qu'il ne sait pas se vendre. Cependant, Jérôme1720 a ses pauvres, quatre ou cinq amis qu'il défend et à qui il prête de l'argent de temps à autre, en moyenne 200 euros par mois, pas de vrais nécessiteux mais des personnes qui cèdent régulièrement au processus consumériste. Il ne voit pas de mal à ça, même si lui par habitude, préfère s'accommoder de ce qu'il a. Même s'il a dû renoncer à plus de 200 euros pour être titularisé il y a trois ans, les conditions de travail à l'École des beaux-arts sont pour lui narcissiquement satisfaisantes. C'est la première fois qu'il a ce sentiment. Pourtant, d'autres enseignants, des plasticiens surtout, obtiennent des contrats avec des volets de revenus bien supérieurs. Jérôme1720 dit d'eux qu'ils sont plus riches que lui mais pas riches pour autant : ils participent à la richesse, ont l'art d'avoir fait de leur art une production d'objets qui intéressent les vrais riches. Dans le train qui les ramène de Lyon vers Paris, ils parlent de leurs projets de vacances avec des collectionneurs en Californie, des grands ateliers qu'ils louent autour de 6000 euros dans le 13e, des facilités que leur offre tel galeriste à Zurich : parfois, ils se rendent comptent que Jérôme aussi est dans la discussion et ils s'excusent.

Christophe Hanna, Argent, Paris, Éditions Amsterdam, 2018, p. 108.