Point 2
La statue de bronze tombe exactement sous le coups des dispositions de l'article 1704 du Tariff Act de 1922
L'article 1704 du Tariff Act de 1922 stipule que :
"Les peintures originales à l'huile, à l'huile minérale, à l'aquarelle ou autres techniques, les pastels, les dessins originaux et les esquisses à la plume, à l'encre, au crayon ou à l'aquarelle, les eaux-fortes — épreuves d'artistes non encadrées — les gravures et gravures sur bois — non encadrées — les sculptures ou statues originales, dont il n'existe pas plus de deux répliques ou reproductions ; mais les termes de "sculptures" ou de "statues" dans l'acceptation qu'ils revêtent dans cet article doivent être interprétés de manière à inclure uniquement les productions de sculpteurs professionnels, en ronde bosse ou en relief, en bronze, en marbre, en pierre, en terre cuite, en ivoire, en bois ou en métal, qu'elles soient taillées ou sculptées, et en tout cas travaillées à la main dans un bloc massif de marbre, de pierre, d'albâtre, ou dans du métal, ou coulées dans le bronze ou tout autre métal et alliage, ou dans la cire ou le plâtre, réalisées au titre exclusif de productions professionnelles de sculpteurs ; et les mots "peinture", "sculpture" et "statue" dans l'acceptation qu'ils revêtent dans cet article ne doivent pas être interprétés comme incluant les objets utilitaires et pas davantage ceux réalisés en partie ou en totalité avec une matrice ou tout autre procédé mécanique ; et les termes "esquisses", "gravures" et "gravures sur bois" dans l'acception qu'ils revêtent dans cet article doivent être interprétés comme incluant uniquement les œuvres qui résultent d'un procédé d'impression manuelle à partir de plaques ou de blocs entaillés ou gravés avec des outils à main et non à partir de plaques ou de blocs entaillés et gravés avec des procédés photochimiques ou mécaniques."
Pour ressortir à ces dispositions, la pièce à conviction n°1 doit :
a) être une sculpture ou statue originales ;
b) être la production professionnelle d'un sculpteur, en bronze ;
c) avoir été travaillée à la main dans le marbre, la pierre ou tout autre matériau ;
d) et n'avoir pas de fonction utilitaire.
a) Qu'il s'agit d'une sculpture ou statue originale est prouvé par les témoignages de M. Brancusi et de M. Steichen qui a vu de ses yeux M. Brancusi travailler de ses mains à la pièce à conviction n°1, à sa sortie de la fonderie.
b) Qu'il s'agit de la production professionnelle d'un sculpteur est prouvé non seulement par le témoignage de M. Brancusi mais aussi tous les témoins en faveur du demandeur, lesquels ont déclaré que M. Brancusi était un sculpteur de renom bien connu et de réputation mondiale, dont les œuvres sont exposées dans la presque totalité des pays civilisés du globe.
c) Que la pièce à conviction n°1 a été travaillée à la main est prouvé encore une fois par les témoignages de MM. Brancusi et Steichen.
Que le premier état a été moulé dans le plâtre est prouvé par les témoignages de MM. Brancusi et Steichen, que ce moule a été ensuite envoyé à la fonderie d'où est sortie une statue de bronze sous une forme brute, ne présentant pas, aux dires de M. Steichen, la moindre ressemblance avec la pièce à conviction n°1 en son état actuel, mais que grâce à l'habilité artistique de M.Brancusi lui-même, elle est devenue la pièce produite devant la Cour et désignée sous le nom de pièce à conviction n°1.
d) Que la pièce à conviction n°1 n'a pas de fonction utilitaire n'est pas seulement évident à l'observation mais est également confirmé par les témoignages de tous ceux qui ont eu l'occasion d'examiner ladite pièce dans cette Cour.
Sous quelle catégorie donc l'expert des douanes a-t-il pu classer la pièce à conviction n°1 pour justifier l'imposition d'une taxe ? Si ce n'est pas une œuvre d'art, qu'est-ce donc ? Si ce n'est pas l'œuvre d'un artiste, un simple ouvrier aurait-il été capable de produire ce bel objet ?
"Mémoire en faveur de Brancusi" in Brancusi contre États-Unis, un procès historique [1928], trad. Jocelyne de Pass, Paris, Société nouvelle Adam Biro, 1995, p. 102-103.