Miss Silver retourna sur ses genoux la masse duveteuse. Les frondes des fougères formant le motif délicat apparurent fugitivement, puis la laine retomba avec légèreté.
— Oui, Mr. Bellingdon. J'ai lu un article sur le collier. Un récit intéressant et bien écrit sur ce joyau superbe et de grande valeur.
— Un faux serait tout aussi beau, ricana Bellingdon, et personne ne commettrait un meurtre pour s'en emparer. C'est ce que je me dis et c'est ce que j'ai expliqué à ma fille, mais il y a toujours quelque chose en moi qui se refuse à tolérer un faux.
Miss Silver leva vers lui un regard pénétrant.
— C'est parce qu'une idée de supercherie y est liée. Mais si l'on reconnaît qu'il s'agit d'un faux et si l'on prend en considération les qualités intrinsèques du modèle et de l'exécution, cette flétrissure disparaît.
Il secoua la tête.
— Si je ne peux m'offrir un Rembrandt, je ne veux pas d'une contrefaçon. Ce n'est pas rationnel, mais nous sommes nombreux à partager ce point de vue. C'est pourquoi le prix des originaux ne cesse de monter et pourquoi un meurtre a été commis il y a deux jours dans Cranberry Lane pour faire main basse sur mon collier.
Patricia Wentworth, Les lèvres qui voient [1957], trad. Patrick Berthon, Paris, 10/18, 1981, p. 73-74.