Or, entre la phobie du dépotoir et le camp, la distance a toujours été des plus courtes. Camps de réfugiés, camps de déplacés, campements de migrants, camps d'étrangers, zones d'attente pour personnes en instance, zones de transit, centres de rétention ou de détention administrative, centres d'identification et d'expulsion, points de passage frontaliers, centres d'accueil de demandeurs d'asile, centres d'accueil temporaire, villages de réfugiés, villages d'insertion de migrants, ghettos, jungles, foyers, maisons de migrants, la liste s'allonge sans cesse, remarque Michel Agier dans une étude récente [1]. Cette interminable liste ne cesse de renvoyer à une réalité sans cesse présente même si souvent largement invisible, pour ne pas dire familière, finalement banale. Le camp, devrions-nous dire, n'est pas seulement devenu une partie structurante de la condition planétaire. Il a cessé de scandaliser. Mieux, l'encampement n'est pas seulement notre présent. Il est notre futur, notre solution pour "tenir à l'écart ce qui dérange, pour contenir ou rejeter ce qui, humain, matière organique ou déchet industriel, est en trop [2]", bref, l'une des formes du gouvernement du monde.

Achille Mbembe, Politiques de l'inimitié, Paris, La Découverte, 2016, p. 84.

[1] Michel Agier (dir.), Un monde de camps, La Découverte, Paris, 2014.
[2] Ibid., p. 11.