À l'aube, je descendis de nouveau dans le souterrain. Les mêmes pas m'entourèrent, proches et lointains. Mais cette fois j'en compris l'origine. Mal à mon aise, je continuai à parcourir le second souterrain, escorté, d'une manière intermittente, par la volée empressée des échos, multiplement seul. J'ai vu neuf chambres pareilles ; cinq autres sont dans un souterrain inférieur. On dirait des abris antiaériens. Quels sont ces gens qui, vers 1924, ont construit cet édifice ? Pourquoi l'ont-ils abandonné ? Il est étonnant que les constructeurs d'une maison si bien bâtie aient respecté le préjugé moderne contre les moulures, au point d'avoir fait cet abri qui met à l'épreuve l'équilibre mental : les échos d'un soupir font entendre des soupirs, proches et lointains, durant deux ou trois minutes. Où il n'y a pas d'écho, le silence est aussi horrible que ce poids qui, dans les rêves, vous empêche de fuir.
Adolfo Bioy Casares, L'invention de Morel, trad. Armand Pierhal, Paris, Robert Laffont 10/18, 1973, p. 21-22.