Par exemple, on compte, parmi les choses, un excès toujours croissant d'appareils, tandis que les valeurs se font de plus en plus rares. En d'autres termes, dans mon environnement, les trucs idiots ont tendance à devenir simultanément inusités et inutilisables, et par là à constituer non pas à proprement parler des déchets, mais de l'ordure. Pour comprendre ma condition, ce qui est aujourd'hui requis est donc moins une philosophie des valeurs qu'une philosophie de l'appareil et une philosophie de l'ordure. J'entends : pour la comprendre afin, éventuellement, de la changer.
Tel est donc le but des tentatives que voici : à partir des trois points de vue mentionnés, il s'agit de jeter quelque lumière sur certaines choses de mon environnement, pour contribuer, s'il se peut, à comprendre et à changer notre condition. Ou du moins, pour faire accéder à une première étape, celle où l'on éprouve la surprise plutôt amusante de découvrir de l'inattendu dans ce qui est habituel et ordinaire. Le but n'est donc pas de vulgariser le sensationnel, mais de dévulgariser (et de sacraliser ?) le vulgaire.
Vilém Flusser, Choses et non-choses, esquisses phénoménologiques [1993], trad. Jean Mouchard, Rodez, éditions Jacqueline Chambon, 1996, p. 10.