C'est ici le lieu d'avancer deux remarques dans lesquelles je voudrais déposer l'essentiel du contenu de cette petite investigation. Premièrement, si la théorie psychanalytique a raison quand elle affirme que tout affect qui s'attache à un mouvement émotionnel, de quelque nature qu'il soit, est transformé par le refoulement en angoisse, alors, il faut que se détache parmi les cas de l'angoissant un groupe dont on puisse démontrer que cet angoissant-là est quelque chose de refoulé qui fait retour. Cette espèce de l'angoissant serait justement l'étrangement inquiétant, et dans ce cas, il doit être indifférent qu'il ait été lui-même angoissant à l'origine ou qu'il ait été porté par un autre affect. Deuxièmement, si là est réellement la nature secrète [geheim] de l'étrangement inquiétant, nous comprenons que l'usage linguistique fait passer le Heimlich en son contraire, le Unheimlich (p. 221 sqq.), puisque ce Unheimlich n'est en réalité rien de nouveau ou d'étranger, mais quelque chose qui est pour la vie psychique familier de tout temps. Et qui ne lui est devenu étranger que par le processus de refoulement. La mise en relation avec le refoulement éclaire aussi maintenant pour nous la définition de Schelling selon laquelle l'étrangement inquiétant serait quelque chose qui aurait dû rester dans l'ombre et qui en est sorti.
Sigmund Freud, "L'inquiétante étrangeté", in L'inquiétante étrangeté et autres essais [1933], trad. Bertrand Féron, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 245-246.