Il s'agit du motif du double dans toutes ses gradations et spécifications, c'est-à-dire de la mise en scène de personnages qui, du fait de leur apparence semblable, sont forcément tenus pour identiques, de l'intensification de ce rapport par la transmission immédiate de processus psychiques de l'un de ces personnages — ce que nous nommerons télépathie —, de sorte que l'un participe au savoir, aux sentiments et aux expériences de l'autre, de l'identification à une autre personne, de sorte qu'on ne sait plus à quoi s'en tenir quant au moi propre, ou qu'on met le moi étranger à la place du moi propre — donc dédoublement du moi, division du moi, permutation du moi —, et enfin du retour permanent du même[1], de la répétition des mêmes traits de visage, caractères, destins, actes criminels, voire des noms à travers plusieurs générations successives.

Sigmund Freud, "L'inquiétante étrangeté", in L'inquiétante étrangeté et autres essais [1933], trad. Bertrand Féron, Paris, Gallimard, Folio essais, 1985, p. 236.

[1] Cette phrase semble être un écho à Nietzsche. Dans le chapitre III d'Au-delà du principe de plaisir (1920), Freud met une formule similaire, "éternel retour du même", entre guillemets.