1. Les éclaireurs sortent au petit matin, rentrent dans l'après-midi et me font leur rapport :
"Nous avons trouvé un campement de paysans dans un vallon, dit le responsables des éclaireurs. Il date d'il y a environ deux ans et on voit bien que c'était un campement très peuplé, car il y a 15 ou 20 abris. Il y a beaucoup de bancs.
- C'est vrai, interrompt celui qui l'accompagnait. On voit bien qu'ils se sont arrêtés pour boire l'atole [1] et qu'ils ont fait la fête."
Résigné, j'en conviens et leur dis que c'est bien, qu'ils nettoient leur arme. Le lendemain, je pars en éclaireur. Nous trouvons ledit campement : il n'y a que 5 abris et un petit banc. J'ordonne que l'on aille dans les environs rechercher des sentiers, et je m'assieds sur le banc en attendant. C'est inutile : rien n'indique qu'on ait fait la fête ou bu de l'atole. J'ai beau m'efforcer et me concentrer, je ne parviens pas à me donner ne serait-ce qu'une petite envie de boire de l'atole. Nous revenons en silence.
Sous-commandant Insurgé Marcos, Lettre à Eduardo Galeano sur le vedettariat, juin 1994, in Sous-commandant Marcos, Ya basta !, Les insurgés zapatistes racontent un an de révolte au Chiapas, tome 1, trad. Anatole Muchnick et Marina Urquidi, Paris, éditions Dagorno, 1996, p. 338-339
[1] Boisson sucrée à base de purée de maïs. Ndt.